Législatives : “l’utopie raciste” contre l’égalité

avec Houria BOUTELDJA
publiée le
Vous devez être abonné
pour voir cette émission
animée par celestinc

Deux semaines après le second tour des législatives, et alors qu’aucun bloc ne semble en mesure de devenir majoritaire, l’heure est venue de tirer un premier bilan d’une séquence riche d’enseignements. Si, contre toute attente, le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête, on ne saurait qualifier la situation générale autrement que de sursis. C’est en tout cas le diagnostic posé par mon invitée, Houria Bouteldja. Militante et théoricienne décoloniale, auteure de Beaufs et Barbares. Le pari du nous (La Fabrique, 2023) son analyse, lucide et stratégique, permet de répondre à deux questions fondamentales.

La première est la suivante : où en sommes-nous ? quel France ressort de l’intense moment politique que nous venons de vivre ? Qu’on le veuille ou non, ces élections auront eu le mérite de démontrer une fois de plus la centralité de la question raciale. Comme en 2022, les quartiers populaires qui se sont arrachés à l’abstention ont massivement donné leur voix à la France Insoumise. Autrement dit à un parti qui a tenu, contre vents et marées, des positions claires et courageuses sur l’islamophobie, les violences policières et la Palestine. Dans le même temps, le Rassemblement national a raflé plus de dix millions de voix, dont une partie importante d’électeurs issus des classes populaires blanches. Ils ont été séduits par « l’utopie raciste » qui leur est promise, celle d’une France immaculée, débarrassée de ses Barbares. Ce rêve d’une France pure est à la fois mortifère et irréalisable. Il témoigne pourtant de la puissance des affects racistes et suprémacistes mobilisés par le discours d’extrême droite. Il repose en outre sur la promesse de la domination du peuple majoritaire, à qui l’on octroie un privilège statutaire et matériel.

Se pose alors une autre question, stratégique : que faire ? Pour cela, il faut d’abord clarifier les choses. En effet, certains ont pu s’interroger voire être troublés par le soutien apporté par une partie de l’antiracisme politique organisée à la France Insoumise. N’est-ce pas contradictoire avec la revendication de l’autonomie défendue par le mouvement indigène ? Loin de renoncer à ce principe cardinal, il s’agit en réalité de penser et d’agir en stratège, au gré des transformations du champ politique. Paradoxalement, c’est bien la France Insoumise qui, par sa participation à la Marche du 10 novembre 2019 contre l’islamophobie, a « tué » l’antiracisme politique, mettant fin à un cycle débuté quinze ans plus tôt. La gauche radicale, incarnée par LFI, constitue donc un point d’appui, un parti avec lequel il s’agit de construire un rapport de force suffisamment puissant pour conjurer le désastre qui nous menace.

Conscient des limites du projet de rupture prônée par LFI, aussi bien sur l’impérialisme et la FrancAfrique que sur l’Otan, il incombe au mouvement antiraciste de maintenir la pression et de mobiliser par le bas, aussi bien pour contrer les offensives du bloc bourgeois qu’obliger la gauche à ne rien céder. Ou comme le dit Houria Bouteldja : « Avec les Blancs, petits et grands, au travers de leurs organisations ou de leurs représentations diverses, il faut toujours rester aux aguets. Ni complaisance, ni paranoïa. On est avec eux quand il faut l’être, contre eux quand il faut l’être, séparés d’eux quand il faut l’être. Soit bâtir une stratégie politique qui dépasse à la fois le séparatisme et l’intégrationnisme ».

Tarik BOUAFIA

Durée 67 min.

Laisser un commentaire

Fermer X